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13 novembre 2008 4 13 /11 /novembre /2008 20:04
Article

 


Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé

(Laurence Thomsin)


Résumé

Il existe une dynamique propre des espaces ruraux qui ne se laisse pas interpréter à partir de l’impact seul des évolutions urbaines sur le monde rural. Les concepts classiques d’urbanisation des campagnes, de péri-urbanisation sont des concepts qui pensent l’évolution du rural comme simple conséquence de mécanismes d’urbanisation au sens morphologique et fonctionnel du terme. Critique conceptuelle et éléments empiriques sont ici exposés pour valider l’idée qu’un rapport spécifique à l’espace, notamment rural, se construit à partir d’une extension des formes de mobilité se traduisant par des modes d’habiter, des territoires, des formes culturelles spécifiques traduisant une intégration à la modernité qui n’est pas simple assimilation à l’urbain.

Abstract

The concept of semi-urban rural areas

Rural areas have their own dynamics that cannot be interpreted only by the impact of urban evolution on the rural world. Classical concepts of urbanisation of the countryside, of peri-urbanisation, are concepts that consider rural evolution as merely a consequence of urbanisation mechanisms in the morphological and functional sense of the term. In this paper, conceptual criteria and empirical elements are exposed with a view to validating the following: that a specific relation to space, particularly rural, is constructed from an the extension of forms of mobility translated by habitation modes, territories and specific cultural forms translating an integration into modernity that is not simply  assimilated to the urban model.


 

Texte Intégral

 

 

 

Des recherches récemment entreprises sur l’espace rural du nord-ouest européen révélant de nouveaux aspects d’occupation et de transformations du territoire et de ses composantes 1, nous mesurons à l’aube du XXIe siècle toute l’importance d’argumenter l’utilisation de termes à signification précise pour désigner les processus affectant tout ou partie de ce territoire.

Jugeant opportune la conceptualisation, sous le terme rurbanisation, l’ensemble des processus initiateurs de dynamiques nouvelles animant au cours des dernières décennies les espaces ruraux caractérisés notamment par des faibles densités, nous nous proposons de prendre du champ par rapport aux notions couramment utilisées — telles l’urbanisation des campagnes versus la métropolisation, la péri-urbanisation voire encore la contre-urbanisation —, à mettre en évidence leur contenu idéologique, souvent périmé en rapport aux faits réels et, pour ce qui concerne la rurbanisation, à les (re)formaliser à partir de concepts clairs. Seule cette démarche nous permettra d’avancer dans l’identification et la désignation des nouvelles formes spatiales du rural, contribuant par là aux recherches d’une géographie contemporaine, sensible non plus aux espaces bien limités (la ville) mais aux espaces en marge et à l’indéterminé (la campagne). Plus encore, cette démarche descriptive devra aussi contribuer aux recherches d’une sociologie du rural, non plus sensible aux seules populations agricoles ou agraires mais à l’ensemble de comportements démographiques nouveaux relatifs à la nouvelle composition de ses domiciliés à propos desquels nous supposons que l’espace rural plus que tout autre est devenu l’observatoire privilégié d'expression de modes et d’exigences de vie innovateurs, en relation à la vie familiale, à la vie professionnelle, aux loisirs, à l’environnement et au réseau relationnel.

De la nécessité du concept rurbanisation ?

L’inconsistance jusqu’ici actuelle de l’expression rurbanisation a nuit tant à la lisibilité du phénomène rural qu’au diagnostic, aux éventuelles prescriptions et à ses futuribles. Nous en proposons une révision du sens et en conceptualisons nouvellement le terme puisque la démarche vise à identifier, comprendre puis généraliser un ensemble de phénomènes, actuellement mal connus, transformant sur place l’espace rural. Ces dynamiques ont un contenu démographique, économique, social ou environnemental. Elles sont soit d’impulsion partiellement urbaine ou strictement endogène à l’espace rural. Leurs spécificités se doivent d’être reconnues par un concept s’opposant enfin à l’ascendance et l’imprégnation de théories jusqu’ici fondées sur la fin du rural ou sa réduction à un espace interstitiel ou résiduel.

Ces théories urbaines, connues de la plupart d’entre nous, ne seront pas présentées ici. En revanche, une discussion sur les subtilités de leur interprétation, plus originales dans la description des processus novateurs du rural, nous permettra de prendre position par rapport à un certain nombre de modèles utilisés dans la description et la mesure des transformations des campagnes. Ces modèles d’analyse, dont certains sont bien connus tels que la « représentation contradictoire urbain-rural », la « fin des campagnes », la « naturalité », la notion de « Pays », etc., ont « permis » de penser le rural et son changement. Ils reflètent des théories, dominantes par période. Ces modèles, différents en fonction des courants de pensée, des positions sociales et des objectifs poursuivis au sein des sphères administrative, socio-politique ou scientifique, ne peuvent être ignorés. Ils ont eu et ont toujours des implications sur la représentation du rural et son devenir, car ils ont servi et servent encore, à l’occasion, d’explication aux transformations des campagnes. Il nous appartient dès lors de les démêler dans leur apport à la connaissance globale et contemporaine de l’espace rural. C’est ce que nous nous proposons d’exprimer ici par le biais d’une critique sur la validité de chacun des systèmes d’interprétation, mais aussi sous l’angle d’une évaluation de leur contribution théorique à la conceptualisation du processus de rurbanisation dont les principaux mécanismes que nous avons jusqu’à présent identifiés seront au cours de cet article explicités.

Au regard de notre problématique rurale notre propos est double. Il vise, d’une part, à affirmer le caractère irréductible d’une forme de ruralité au travers des transformations économiques et sociales des campagnes nouvelles : la domination technique, économique et culturelle de la ville ne devant empêcher un mode d’existence de la campagne ni un mode d’existence à la campagne différents du modèle urbain et, d’autre part, à relancer la réflexion bloquée sur les changements annonciateurs de nouveaux modes de société.

L’urbanisation des campagnes

L’urbanisation rurale, concept riche, désigne tantôt un état, tantôt une relation entre deux termes (ville/campagne, rural/urbain), tantôt un processus. Bien des acceptions de cette notion sont différentes et donnent lieu à de multiples définitions parfois contradictoires.

Après les années de gloire de la dichotomie monde rural/monde urbain consolidée par le poids des civilisations traditionnelles agraires des années 1950, le nouveau modèle urbanisation des campagnes élimine progressivement le « fait rural » et devient le courant prédominant des années 1960. Le contenu idéologique de ce modèle, parce qu’il a fortement modifié le concept de rural, a de manière drastique orienté les pouvoirs organisateurs et les milieux scientifiques vers l’espace urbain. Modèle contemporain, non marginal, il oriente toujours actuellement des choix d’aménagement du territoire. Dans le processus de transformation du rural, la ville constitue alors la référence première. Lieu de travail et de savoir, lieu de richesse et de pouvoir, la ville est alors le modèle à imiter. C’est à partir de son image qu’est désormais pensé le remodelage, jugé nécessaire, de la campagne 2. L’urbanisation des campagnes est véritablement considérée comme un mouvement irréversible. C’est cette véritable loi du développement spatial que nous remettons principalement en cause. La crise du modèle de développement (crise du fordisme) renforce une conception de l’espace rural tendant à ignorer tout espace non polarisé ni compétitif. L’accent est posé sur les technopôles et les réseaux de villes, ce qui suppose un effacement de la notion d’espace rural.

Modèle encore dominant durant les années 1970, même si on en vient à une définition valorisante de la ruralité, l’urbanisation des campagnes contribue à faire émerger puis à officialiser dans nos disciplines un « nouveau type d’espace rural » : le périurbain. La volonté de caractériser un nouveau type d’espace rural, au sens non plus d’espace agricole, produit des propositions de typologies des campagnes 3. Les discontinuités morphologiques et les diversités d’activités qu’elles révèlent « réinvitent » à la distinction entre les espaces ruraux et les villes. Le produit périurbain est finalement la valorisation spatiale d’un nouveau mode d’habiter (des urbains) alors qualifié d’« anti-ville » 4. Or, comme nous l’identifierons plus après dans notre propos, cet espace périurbain à propos duquel s’est développée une idéologie néo-rurale ne peut plus être assimilé à un espace rural.

Le développement dans les années 1980 de l’idéologie du local, alors pensé comme lieu alternatif à la crise du fordisme et tempérant le modèle du « tout urbain » finira lui aussi par restreindre l’espace rural. L’espace rural est réduit à ses zones fragiles 5.

Les années 1990, quant à elles, transfèrent (et donc maintiennent) l’idée de domination du rural par le biais d’un niveau extérieur d’ordre mondial. Si la rupture idéologique de certaines représentations — telles l’approvisionnement de la ville par la campagne ou la réduction de la tradition au rôle d’indicateur de rigidité et de retard — est effective, la représentation globalement négative de la campagne tend à persister, du moins suffisamment pour ne pas concevoir l’intervention sur ce territoire de processus autres qu’urbains.

La validité du système d’interprétation : urbanisation des campagnes

Du point de vue des campagnes et de l’identification de ses formes spatiales, on peut reconnaître que la notion d’urbanisation entendue comme une certaine répartition et une certaine concentration de niveaux de fonctions urbaines sur l’ensemble d’un territoire peut constituer un instrument de mesure. Elle est propre à caractériser le rapport urbain/rural, sans présumer des nouvelles formes de relation ville-campagne, et, à mettre en évidence les écarts réels entre des espaces plus ou moins homogènes sous ce rapport, que tend à masquer la théorie de la diffusion d’une culture urbaine. Cette définition de l’urbanisation est la moins entachée de déterminisme et d’apriorisme puisqu’elle renvoie à un processus historique ou conduit à une simple mesure du niveau du rapport urbain-rural 6.

Le principe du continuum est à préciser. Son contenu a en effet été peu à peu dénaturé. Dans son sens initial, le continuum culturel 7 se substitue petit à petit à l’idée d’un continuum spatial à transformations foncières, c’est-à-dire, de rapports productifs et sociaux spécifiques fondés sur la division des espaces de résidence et de travail, source d’une échelle socio-démographique où s’observent des micro-ségrégations, etc. Une seconde interprétation, plus restrictive, applique l’idée de continuum spatial au cadre spatialement limité des franges périurbaines. Ce principe sans l’avoir jamais démontré laisse sous-entendre la continuité de l’extension urbaine à l’ensemble de l’espace rural. Nous retiendrons quant à nous le sens initial, c’est-à-dire la diffusion d’un continuum culturel sans référence aux réalités spatiales. Cette vision, extensible à l’ensemble de l’espace rural, obtient notre adhésion pour sa contribution à la mise en place du processus de rurbanisation.

Le thème de l’urbanisation, comme diffusion d’une culture urbaine, n’illustre que la diffusion des valeurs, normes et relations sociales dominantes. L’harmonisation des conditions de vie, des modes de vie et des structures sociales des populations urbaines et rurales ne peut écarter l’existence de formes spatiales différentes. La diffusion d’objets matériels n’est pas synonyme d’homogénéisation, tout comme les modifications souvent retenues comme indices d’urbanisation n’abolissent pas, en fait, les distinctions spatiales (l’électrification dans les campagnes, la diffusion de l’automobile, la diffusion du progrès technique, la modification des mentalités à travers l’exercice d’un métier non agricole, l’association à la croissance économique). Ce mode d’urbanisation ne peut étayer une théorie générale des formations spatiales. Le modèle d’urbanisation des campagnes séduit ceux qui, considérant que l’espace est un continuum, en proposent le découpage graduel selon le degré de diffusion de la modernité urbaine. Ils restent minoritaires par rapport aux adeptes des discontinuités que supposent les théories de l’annexion ou de la domination. Le rejet de la distinction urbain-rural altère aussi la notion de « société urbaine » et de « genre de vie urbain ». Elle s’appuie d’ailleurs sur une description incorrecte de l’espace urbain en idéalisant la réalité sociale urbaine.

Contre la vision d’un mouvement irréversible d’urbanisation, niant la notion de rural en faveur de la croissance infinie de l’urbain, nous remettons en cause d’une part, la croissance infinie de l’urbain, et, d’autre part, l’assimilation de l’espace rural à un espace résiduel ou interstitiel captif de cet inexorable processus. Cette tentation déterministe conduit rapidement à définir comme urbain tout phénomène démographique. Ce schématisme, dans l’analyse du phénomène de croissance urbaine, conduit à des appréciations fausses de l’évolution de l’espace résiduel (c’est-à-dire rural) en raison des délimitations extensibles de l’urbain qu’elle provoque. Ainsi, le mouvement de diminution statistique de la population rurale fondé sur des changements de définition dû à ce mécanisme est alors interprété comme une accélération du mouvement d’urbanisation. Prenons pour exemple les définitions statistiques successives d’aires urbaines telles les zones de peuplement industriel ou urbain (ZPIU), en France. Cette théorie élaborée dans les années 1960 résulte de l’observation du phénomène américain d’extension spatiale des grandes villes par concentration de la population et de l’habitat selon le processus de métropolisation. Elle en déduit la fin de toute discontinuité spatiale entre les villes et les campagnes et aboutit à la négation à terme du concept de rural. Cette idée de croissance urbaine envahit actuellement l’Europe sous l’étiquette de métropolisation (intégrant l’idée du dépeuplement des centres ou d’une reprise de ceux-ci.) Porté par ce courant, l’investigation scientifique s’est faite essentiellement en dehors de l’espace rural et les orientations politiques contre le développement du monde rural. Ces modèles pro-urbains, ont entraîné un désintérêt du rural et laissé échapper, décennie après décennie, toute connaissance réaliste de l’évolution de celui-ci. Cet abandon a coûté cher, y compris au plan des perspectives urbaines, à la vue des évolutions imprévues de celles-ci (perte démographique des centres avec dilution plus ou moins contrôlée). Ces modèles pro-urbains n’ont induit aucune réponse sur le bien ou le mal de l’extension urbaine diffuse, sur le véritable poids du monde rural, sur les nouvelles relations ou les formes d’autonomie rural-urbain. La méconnaissance des évolutions sociales et spatiales touchant le territoire rural n’aurait-elle pas finalement porté ombrage à la maîtrise du devenir urbain ? Parmi les conséquences de cette théorie pro-urbaine, relevons :

1) un dispositif statistique dominé par l’idée que seule la ville est un espace en expansion. Ceci a conduit les instituts de statistique à modifier régulièrement la délimitation des pourtours statistiques tels que les ZPIU, les aires urbaines, etc. ;

2) une politique de normalisation qui a abouti, dans les années 1960, à la fermeture des services publics en milieu rural peu dense ;

3) une approche de l’évolution de l’espace rural, ou d’une partie de celui-ci, qui s’est faite sur base du développement de la géographie urbaine et non rurale.

Dans les études statistiques, le terme urbanisation désigne le mouvement de croissance de la population urbaine. Urbain et urbanisation sont habituellement pris seulement au sens démographique. Un espace s’urbanise lorsqu’il est affecté d’un mouvement de croissance de la population ou d’une forme équivalente comme la construction de logements. L’extension de l’espace bâti y est assimilée à l’urbanisation alors considérée comme intégration physique d’un espace à la ville. Quant à l’urbanisation diffuse des campagnes, liée au développement des déplacements habitat-travail, elle traduit la construction en communes rurales ; celles-ci recevant la majorité des constructions de logements neufs de l’agglomération. Au plan de la dénomination des phénomènes, le terme ambigu d’urbanisation pourrait ici être remplacé par, celui plus précis et univoque, de croissance urbaine ou d’évolution de l’habitat urbain, voire même d’extension du bâti. Ainsi éviterait-on une utilisation abusive du terme pour désigner tout mouvement de construction par lotissement, même s’il s’agit de communes n’ayant aucune fonction ou aspect urbain. L’urbanisation est bien un phénomène du ressort urbain. Tout mouvement de croissance n’est pas nécessairement du ressort d’un processus d’urbanisation. L’utilisation du terme pour caractériser le processus de formation des régions de forte densité paraît en revanche plus appropriée. Appliqué aux régions nommées régions urbaines 8, en dépit des critiques et des définitions de M. Sorre 9 et de G. Chabot 10 qui proposent régions de villes, ce terme engloberait toutes les formes d’étalement des espaces urbains autour des métropoles (régions métropolitaines) et le long de certains axes de communications.

L’urbanisation des campagnes semble donc désigner divers aspects de la transformation des campagnes sous l’influence des villes. Cette terminologie en contient une autre : la péri-urbanisation définie elle-même comme la transformation discontinue des espaces ruraux à proximité et sous l’influence des villes. L’on ne peut plus, sur cette constatation, maintenir pareil double emploi et confondre péri-urbanisation et urbanisation des campagnes. La péri-urbanisation fait référence à des transformations spatiales liées au desserrement des fonctions urbaines alors que l’urbanisation des campagnes se limite à un processus d’intégration (c’est-à-dire culturelle) sous influence des villes mais indépendamment de la distance physique à celle-ci, et ne se traduisant que par la diffusion de manières d’habiter et de consommer qualifiées d’urbaines.

Notre position

Sur la base des constatations et considérations ci-dessus, nous sommes en faveur d’une forme de représentation dichotomique entre le monde rural et le monde urbain. Non pas en termes antagonistes selon le modèle des années 1950, encore marqué par la représentation hégélienne et marxiste de la ville et de la campagne, où la campagne garde une spécificité de milieu naturel et, la ville inversement de milieu technique, ni selon le modèle des années 1970 développé sur les théories de l’annexion ou de la domination de l’espace rural. Nous préférons un modèle qui ne rejette pas fondamentalement la distinction entre le rural et l’urbain ni dans les formes spatiales, ni dans les formes sociales indépendamment de toute interférence ville-campagne par le biais de la mobilité. En effet, à titre d’exemples, nous reconnaissons à l’espace rural des spécificités morphologiques qui nous conduisent à remettre à l’honneur la densité comme propriété de l’espace. Un rejet complet de cette dichotomie nierait selon nous la spécificité et l’identité du rural alors que nos hypothèses de travail reconnaissent aux espaces ruraux dynamiques les moyens de leur autonomie. Nous nous opposons à tout emploi de l’expression urbanisation des campagnes aboutissant à la négation à terme du concept de rural. La dichotomie ville-campagne se justifie dans la mesure où la définition de la fonctionnalité, voire de la productivité, dans chacun des deux grands groupes, conservent leur particularité propre et non induite par un rapport de force de l'un sur l'autre. Nous sommes en désaccord avec la vision « urbanisation des campagnes signifiant l'intégration par la ville de l'ensemble de l'espace humanisé » 11. Ce courant de pensée estime que toute décision se prend en ville, qu'il y a une disparition du profit de l'agriculture et une oblitération des paysages agraires, que l'industrie dispersée dans les campagnes est télécommandée depuis la ville, qu'il y a progression tout simplement, en terme d'organisation de l'espace, de l'agglomération urbaine. Ceci est le schéma type de la péri-urbanisation. Nous sommes aussi en désaccord avec la vision urbanisation des campagnes signifiant « la création d'une économie et d'une société nouvelles par l'association des citadins et des ruraux, d'où disparaîtrait la dichotomie ville-campagne, grâce à une certaine ruralisation de la vie citadine, autant qu'à une urbanisation de la société rurale » 12.

Par urbanisation des campagnes, nous reconnaîtrons un processus d’intégration de la mobilité spatiale dans la vie quotidienne ; mobilité des gens et des biens mais aussi mobilité des messages et des idées. « Cette urbanisation donne toute sa logique à l’individualisation, en diminuant le poids des enracinements locaux. Elle fait, du projet individuel, un élément clé de revendication dans la vie quotidienne » 13. Vu sous cet angle, l’urbanisation des campagnes, telle que nous l’entendons, n’est plus un processus d’assimilation mais d’intégration des catégories de populations, même arriérées, dans la modernité.

Certains modes d’urbanisation connaissent un contenu mécaniste. Dans leur forme la plus large, ils participent, comme pour la péri-urbanisation, aux mutations des campagnes sous l’influence des villes. Si nous ne rejetons pas l’idée que la rurbanisation est soumise à certains modes d’urbanisation (économique, morphologique, voire fonctionnelle), l’amplification et l’intensité ne sont nullement comparables à un processus d’urbanisation classique. En effet, urbanisation signifierait ici l’appropriation définitive des territoires ruraux par des acteurs urbains et la disparition irréversible des spécificités de leur structure sociale, spatiale et économique.

Concept fourre-tout, l’urbanisation des campagnes doit dès aujourd’hui sortir du carcan urbain et rechercher une nouvelle méthode d’approche des transformations du rural sous peine de ne plus rien apporter à la connaissance des nouvelles dynamiques de celui-ci.

En reconnaissant tout l’intérêt d’une prise en compte dans le devenir du rural du poids des dynamiques telles le développement local, la (re)valorisation des ressources locales, le développement local endogène ou autocentré, nous désirons nous écarter du modèle de banalisation de l’espace rural des années 1980, qui nie le rural au profit du concept unique de local. Notion floue, le discours dominant sur le local s’applique à tous les types d’espaces, y compris les quartiers urbains et les bassins d’emploi. Ces différenciations n’opposent plus les espaces ruraux aux espaces urbains, mais les espaces selon leur degré de fragilité, les risques de rupture ou de crise. L’espace rural est une fois de plus observé sous un angle dépréciateur.

 

 


voir suite de cet article sur


  "Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé"

(suite)


 

 

 

 

Pour citer cet article :
Référence électronique

Laurence Thomsin « Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé », Ruralia, 2001-09, [En ligne], mis en ligne le 19 janvier 2005. URL : http://ruralia.revues.org/document250.html. Consulté le 13 novembre 2008.

 

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